Il y a quelques années, un projet d’émission radio en direct nommé BACKROOM fit rage et dégâts auditifs collatéraux, de 2005 à 2009, sur la bande FM toulousaine. Aux commandes ? Une brochette de joyeux branleurs inconscients -dont moi même, par la plus heureuse des destinées improbables- qui n’avaient aucune idée à ce dans quoi ils mettaient les pieds. A partir de ce jour là, le concept de Précarité Décadente était également né…
La génèse.
La commande des boss de Radio Occitania adressée mon pote Matéo, qui à cette époque officiait là bas comme « Miss Météo » (dixit l’intéressé), était de reprendre les manettes d’une feu émission pour les gays, par des gays. Mais lui, à juste titre, était assez mal à l’aise de perpétrer une sorte de clivage snob non-mixte. Il se voyait mal digresser tristement sur un guetto de codes et de références fermées crypto-homo plus fantasmées que réelles…. Et puis, c’est qu’est ce qui distingue un sujet de chronique gay d’un sujet de chronique non-gay? Bullshit !
Matéo, premier rédac’ chef de la dynastie Backroom a donc fait appel à ses potes les plus allumés et dispos, car chômeurs à temps plein ou partiel, de milieux et bords assez bigarrés mais finalement tous fédérés par… La précarité et la décadence! Je faisais donc partie des heureux élus pour tenter d’ animer en direct -et en totale roue libre- deux heures d’émission radio-live hebdo. A mes côtés ? Une horde, plus déchainée qu’enchainée, de chroniqueurs toulousains newbies, joliment auto-proclamés « Les Moches », qui resteront à jamais dans les annales -et surtout dans les bacchanales- des murs à moquette murale ocre du studio.
Pour ne citer qu’eux: Clitora, Sophie Pétoncule, Mademoiselle Lagnèse, Jon Vidéo, Mahdi (le futur rédac’ chef de la seconde génération de l’émission en 2007), Mademoiselle Poussin, Brigitte Laraie, Titi, Brice la Bruce, Tsunami, Kul et tutti cuanti, intervenant aux micros de manière plus ou moins pertinente, sporadique ou ponctuelle…. Et biensur, notre invitée fil-rouge, Anne Gaëlle.
La fascinante Anne Gaëlle.
Anne-Gaelle. Cette classieuse et érudite grande dame, née homme par les aléas farfelus des chromosomes X ou Y. Nous avons eu le privilège de ses passionnants récits au travers de son voyage transidentitaire, puisqu’elle changeât de sexe (M to F) durant la période de l’émission. Ses interventions étaient littéralement de douces torgnoles que nous nous prenions avec délectation, d’une infinie bienveillance, d’une furieuse sensibilité, de la plus intelligente des simplicités, de la plus poétique des didactiques.
Je me souviens encore très bien de cette image qu’elle a utilisé pour nous expliquer la différence fondamentale entre les deux notions bien distinctes de Trans et de Queer : Imaginons une maison, séparée au milieu par une cloison. D’un côté les femmes, de l’autre, les hommes -peut importe leur sexualité- mais affublés des codes et identités que la société a construit autours de ces deux sexes, matérialisés par la fameuse cloison centrale. La plupart des Trans, eux, ne souhaitent pas vraiment déconstruire cette cloison, ils veulent juste passer de l’autre côté. Les Queers par contre, souhaitent la péter afin de s’affranchir des contraintes de celle-ci, en recréant des identités interlopes et fluctuantes des standards imposés.
Le mieux étant de vous gratifier d’un schémas DIY dont De Vinci aurait été jaloux :
Du haut de ses soixante ans et de son mètre quatre-vingt-quinze (ou nonante-cinq pour mes compatriotes belges ) de sagesse, Anne-Gaëlle nous a offert ses confidences avant, pendant et après son changement. Elle nous a livré le récit de son parcours de combattante pour obtenir le fameux label tant décrié de « Malade Mentale » nécessaire en France pour obtenir le remboursement des frais médicaux du changement de sexe. Elle a témoigné en duplex de l’incroyable différence qualitative de l’opération et de la prise en charge en Thaïlande, par rapport à sa mère patrie au drapeau tricolore.
Elle nous a fait part de ses profondes certitudes de devoir passer le cap vingt ans auparavant, tout en prenant soin de ne point ébranler femme et enfants, de ses gros moments de doutes, de ses grandes joies lorsque la boulangère du coin l’appelle Madame sans tiquer, de ses questionnements par rapport à ses amant-e-s, de ses cours d’assouplissement des cordes vocales, de son traitement hormonal avec ses effets plus ou moins désirables, de des gouts vestimentaires, de ses trucs et astuces de nouvelle lady, de ses inquiétudes à être enfin acceptée par ses proches et ceux qu’elle aime, la trouille des agressions souvent parée in extremis par le label « vue à la télé », de ses multiples joyeuses (ré)orientations sexuelles non-fixes…
Et surtout, de son incroyable chance de pouvoir naitre une seconde fois comme elle l’a toujours souhaitée au fond d’elle, de pouvoir tester une vie radicalement opposée à la précédente: Dans un sexe opposé, issue d’un milieu bourgeois très guindé et classique à barouder ensuite dans les manifs des LGBT libertaires très gouailleurs toulousains…. A présent, je peux affirmer que pour nous tous chroniqueurs, dans nos sensibilités respectives, il y a eu dans nos vies un avant et un après Anne-Gaëlle.
Les sujets? Gonzo !
Les grands axes, c’était un peu ça: Subculture, musique, théâtre, littérature, politique, évènements cul’turels locaux, mais surtout sexe, précarité, décadence, et fist fucking ! Si j’essaie de me souvenir de mes propres chroniques, dans le désordre et de manière non-exhaustive, ça donne à peu près ça :
– Les fétichistes du Mohair sur Doctissimo – De l’importance de muscler son périnée – Mon week-end ou l’exploration des sexshops du Perthus – Les différentes grilles de lecture des Hentaï japonais – Le concept fédérateur de « Kidult » – Ces bâtards de polititocards qui ont fermé « Le Clandé » – Critique hétéroflexible de téléfilms pornos gays – Les nouveaux couples gays plus mainstream que ma voisine – La surestimation de Drazic face à Alan Bolton dans « Hartley Coeurs à Vif » – Les cités roses et les plans skets.
Et là, on comprend qu’il est parfois délicat, dans certaines situations, de faire part à sa maman de ses premiers actes de bravoure pseudo journalistique. Je m’étais pourtant toujours imaginé son incommensurable fierté à m’entendre étaler mes premières punchlines radiophoniques face au reste du monde mais bizarrement, je me suis abstenue de lui fowarder les liens du forum « Passion Mohair », de lui expliciter l’usage du cockring ou de lui recommander un film de Bruce la Bruce…
La recette ? Casanis, gouaille et plug anal.
Ce qui me bidonne encore aujourd’hui, c’est de me souvenir du tout premier jour d’émission. Un baptême du feu en direct sans la moindre présence d’un adulte responsable dans le coin. Nous étions assez engaillardis par ce qui allait devenir un rituel : La nonchalante réunion éditoriale expresse, toujours arrosée de Casanis Du-Pas -De-La-Case, de vin blanc sirupeux, de Curly du LIDL et de spliffs du Mirail, qui nous accompagnaient jusqu’au bout de l’émission.
Le lendemain, tous étions persuadés qu’il s’agissait de la première et de la dernière session : Dans le feu de l’action et du direct, nous avions quelque peu occulté l’aspect traditionnel un poil old-school de Radio Occitanie, vantant initialement l’usage de langue occitane dans le Languedoc. Mais à la stupéfaction générale, les boss et autres gardiens du temple applaudirent des deux mains et nous encouragèrent sans faille à abuser user de notre verve si châtiée, de nos dérapages notre liberté de ton, et de nos positionnements résolument décadents libertaires, en nous affranchissant de toute censure, et ce jusqu’à la fin de l’aventure.
Cette confiance qu’ils nous ont donné était incroyable. Je n’y reviens toujours pas lorsque j’y repense maintenant. Elle a aussi surement un lien avec les records d’audimat enregistrés durant nos crues chroniques, auprès des auditeurs de plus de 60 ans.
Est-ce vraiment très radiophonique?
La réécoute. Cette infâme torture à considérer comme un mal nécessaire pour avoir envie de se pendre s’améliorer. D’ailleurs, au bout de trois session d’intense douleur, nous avons squizzé cette étape par omission à l’unanimité, tellement que ça piquait l’égo : Tics de langage, accent sud-ouestal-putaing-con’, les « plop » du bouchon de la bouteille de rosé qui saute, le chaos auditif des gens qui se parlent dessus en même temps, les blagues judiciairement répréhensibles de mauvais goût, les bonnes boulettes, les petits bug techniques de la régie, les coups de gueules contre les potes du boss les élus locaux, les interventions classées X bizarres de certains invités…
Mais aussi une patate incroyable, des moments d’intense émotion, des lives de groupes locaux assez géniaux, une connerie d’enfer qui je l’espère a été communicative. C’était il y a presque dix ans et c’était aussi ma première expérience comme crypto-journaliste-DIY que je tente de devenir à peu près maintenant -HEHOOOO, JE CHERCHE DU TAAAAF, HEHOOOOO! YA QUELQU’UUUN?!- et ça a réellement été une trinité d’années totalement bad’ass.
Attends, tu peux toucher ses seins si tu veux …
Là, je trime complètement pour retrouver des enregistrements de l’émission sur Minidisc, mais ce n’est pas évident. Il ne vous reste plus qu’à vous substanter des croustillantes vidéos que Jon a posté sur notre bon vieux Myspace -oui, Minidisc et Myspace dans le même paragraphe, je sais!- Je vous recommande par ailleurs de visionner en priorité les premières, c’est toujours plus drôle, comme celle là par exemple :
Malheureusement, toute la partie blog de l’émission a disparue avec la scandaleuse refonte de l’interface du feu réseau social des 00’s. Je ne promets rien mais je songe à recréer un Tumblr commémoratif avec un maximum d’archives, l’appel est lancé : si vous possédez des photos, vidéos, bandes audio, plaintes…. contactez moi !
missdigriz@gmail.com
Sur ce, je n’ai plus qu’à vous geindre un langoureux Adishaaaatz!
Carolyne Missdigriz
English version :
Few years ago, in 2005 to 2009, a radio-project called « Backroom broadcast » has rages in the FM bands of Toulouse for Radio Occitania. A bunch of young morons, included me, was in control … The « Precariousness & Decadance » concept has been born too.
The genesis
The order of our Radio Occitania bosses was to get an broadcast for gays people…by gays people . But we didn’t want to get that : A closed of no-mixed sex subdivision talking sadly of our own guetto… On the contrary, our wish was to break cheerfully these social walls. It was a little radio but many people came in the studio for weekly direct-live chronicles and shows during 2 hours non-stop.
Amazing Anne Gaelle
Our recurrent guest was the amazing Anne-Gaelle : a great teacher and writer, who changed of sex during the period of the broadcast. She spoke to us about her journey on trans-identity with a passionate wisdom & a furious intelligence. She explained us the difference between « Queer » and « Trans », her difficulties and to present her new identity to her family, her children, her friends, her lovers, the enjoyments to enjoy the physical and social envelope of which she had always dreamed about sixty years, for so many years. She spoke to us about the French legal system, about this famous recognition as » mental illness » to be made validate for the repayment of the operations, the quality of the care and the coverage care in Thaïland, of this chance of the second life which offered itself to her, in total opposition with the first one on many plans… The whole with an outstanding poetry and an intelligent simplicity.
The first day, we thought of getting fired because of our excess big freedom of speech, compared with the rather traditional and not really alternative editorial line of the radio. But on the contrary, our bosses always encouraged us to frank us from any censorship. Their confidence was incredible, we shall never thank them enough for that.
The subjects ? Gonzo !
Sex, Precarity, Decadence, Politic, Music, Subculture, Local events, (Trans)-gender questions, LGBT movement, Indie, Litterature, Theatre, Electronic & Punk local scene…. If I try to remember my own subjects, in the disorder & no exhaustive : Mohair & wool fetishists, How to muscle your vagina, Politics of locals Squats & organisations, Sextoys shops in a border of Spain, Hentai Animes, The « Kidult » concept, Male gays erotics movies, The mainstream gays couples in society, Bruce la Bruce movies, Old 90’s teenagers series…and many more of course !
On the registered bands ?
Our verbal tics, our accent of the southwest, the « poop » of corks of bottles which jump, full passion, laughter, the noise of those who want all to speak at the same time, the interventions of sometimes strange guests, sometimes big emotions, rotten jokes, some fit of bad temper, brillants local music bands in live… an especially our crazy energy !