Un lounge bar, aéroport de Zaventem. Dix cents supplémentaires pour un café ici plutôt qu’en face: Un bar à priori plus popu’ tout en faux semblant d’estaminet Marollien, aux boiseries kitsch en mélaminé. Ici, c’est plutôt design épuré, banquettes sable clair et rouge coquelicot, répondant très certainement au cahier des charges de la palette de couleurs 2012/2013, déclinées cette année au salon Mood de Bruxelles. Trois euros et quarante cents contre un petit noir, un accès WIFI, un éclairage sain et chaleureux et une vision panoramique du mouvement incessant des quidams en transit, errant de area gates en duty free. Brassage low-cost entre bobos baroudeurs, prolos à dense descendance, RSIstes orbitaux semi-créatifs ou hommes affairés. Un commun capital kérosène que chacun légitimisme comme il peut. Une tablée de bien-pensants francophones dont les propos sont irrégulièrement interrompus par les « bipbip » des antivols de la boutique « fashion et bagagerie » d’en face digressent. Lorsqu’elle s’exprime, elle lisse une mèche à l’avant de sa longue chevelure blonde, ses paupières se plissent légèrement, signe tacite d’auto-complaisance. Elle exhibe un petit tatouage sur son flanc gauche et aime préciser que celui ci ne s’effacera JAMAIS. Rires semi cordiaux semi gênés de ses pairs. Trois bouteilles de champagne détaxé trônent sur une table un peu plus loin. Concentré derrière le large écran de son laptop, il est vêtu d’un costume trop rigide : dedans il parait tellement engoncé que ses gesticulations répétées pour se mouvoir vainement avec aisance semblent traduire une envie de sa part de hurler  » Ma prestance sociale contre un sweat-capuche, je ne rigole pas putain, je suis armé !  »

C.